Soixante ans après son lancement à la librairie Tranquille le 9 août 1948, Refus Global continue de faire résonner l’indubitable charge polémique du projet automatiste. Une charge inscrite au coeur du texte lui-même, dont on aura garde de commémorer aujourd’hui le souvenir sans lui faire l’hommage d’une relecture attentive. En effet, les décennies qui ont suivi la publication de Refus Global en auront peut-être estompé la véritable portée, à mesure que s’imposait une lecture qui, soulignant la préfguration de la révolution tranquille, arrimait le célèbre manifeste au grand narratif de la modernité québécoise en genèse. Cette juste contextualisation historique risquait pourtant de lui faire écran, par un effet de canonisation reconduisant à l’envers l’ancienne méconnaissance de son ambition véritable.

Refus Global demeure donc peut-être aujourd’hui encore un « texte dont on veut bien parler en autant qu’on en occulte le sens fondamental » (Pierre Gauvreau) — hypothèse qui revient à en soupçonner l’actualité persistante, au-delà des acquis historiques de la société (post)moderne. Voilà peut-être le défi qui continue de se poser à son lecteur : retrouver, en réponse aux écueils les plus fondamentaux décrits par Borduas, toujours actuels, l’incitation décisive à concevoir une pensée véritablement « pleine de risques et de dangers ».