S’il est d’emblée reconnu que le paysage est un genre consacré dans la grande tradition de la peinture, qu’il a traversé les époques et les écoles stylistiques, il n’en demeure pas moins qu’il s’est intégré de manière apparemment naturelle aux diverses sphères de l’art contemporain. Parce qu’il est désormais question de l’environnement, du désordre écologique et de la précarité du sort de la planète, le paysage — solitaire, grandiose, dépeuplé, fabriqué… ou abstrait — habite littéralement l’imaginaire actuel : il donne encore et toujours lieu à autant de tableaux, de sculptures, de dessins et d’installations manifestant avec justesse et originalité un attachement réel à l’un ou l’autre des principaux aspects de la mise en représentation paysagée.
Le Musée a présenté il y a déjà huit ans, à l’automne 2000, dans le cadre des expositions thématiques de la Collection, un premier volet consacré à la question du paysage. En voici un second, réunissant une trentaine d’oeuvres qui évoquent toutes, par la clarté de leurs propos et la sobre efficacité de leur dispositif plastique, certains éléments de la nature, des configurations spatiales, des composantes du bâti urbain — des endroits énigmatiques tout entiers investis des caractéristiques et de l’idée mêmes du lieu imaginé et réinventé.
D’entrée de jeu, les tableaux lumineux et schématisés de John Lyman, Joyce Wieland, Jean-Paul Lemieux et Paterson Ewen posent dans l’audace de la palette chromatique et la concision des motifs les paramètres d’une esthétique du paysage où priment justement les idées (les notions) revisitées de cycle des jours, de champs colorés et d’horizons variables. Au sein de l’exposition, un étonnant registre de stratégies formelles englobe des allusions connotées à la voûte céleste (General Idea, Pierre Dorion, Rober Racine, Charles Gagnon, Jack Goldstein), l’utilisation de matières naturelles telles le bois et l’eau (Christiane Gauthier, Laurie Walker), tout comme le recours à la représentation stylisée d’arbres, de forêts et de divers plans d’eau (Walker, Jérôme Fortin, Sylvain Cousineau, Michel Goulet), l’édification de maquettes monumentales de cités antiques (Anne et Patrick Poirier) ou vaguement rétrofuturistes (Patrick Coutu), ainsi que des références marquées à la cartographie, à la topographie, à la demeure et au mobilier urbain (Rober Racine, Guillermo Kuitca, Roland Poulin, Stephen Schofield). Sous la panoplie des manières et des matériaux (le plâtre, le ciment, le fer oxydé, le granit, l’acier et l’aquarelle) transparaissent les avancées conceptuelles d’espace et de temps (Daniel Buren), de densité et d’ouverture (David Rabinowitch), d’exploration et d’utopie. Plutôt que dans la réappropriation créative et efficace de repères reconnaissables, c’est vraiment dans l’accumulation sous-jacente de multiples couches de sens que se joue la polysémie de tous ces paysages d’idée, lieux de discours et d’expérience