Le MAC propose un parcours initiatique à l’art contemporain qui prend la forme d’une série de sept séminaires en ligne (Zoom) offerts cet automne.
Ces présentations, données par des commissaires d’expositions et des enseignants universitaires spécialisés en histoire de l’art, ont pour but de répondre aux questions qui font souvent obstacle à l’appréciation de l’art contemporain. Aucune connaissance préalable de l’art n’est requise pour y assister.
Chaque intervenant.e partira d’une œuvre appartenant à la collection du Musée ou ayant été exposée au Musée pour explorer un aspect clef de l’art moderne et contemporain. Que signifient par exemple les expressions « objet trouvé », « installation », « art conceptuel », « performance » ? À quoi ressemble la carrière d’un artiste aujourd’hui ? Quels sont les plus importants évènements artistiques ? Qu’est-ce qu’une pratique ou une exposition « participative » ou « expérientielle » ? Quel est l’état des débats sur l’appropriation et l’identité ? Sur l’art comme forme d’activisme ?
Toutes ces questions et bien d’autres seront posées dans le cadre des webinaires, qui se termineront chaque semaine par une période de discussion.
Les séances
Chaque séance débute à 18h00, dure 90 mn et se déroule selon le schéma suivant :
- Introduction de l’animateur (15 mn)
- Présentation du conférencier (60 mn)
- Période de questions et d’échanges (15 mn)
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Le 30 septembre 2021
« Qualité : non ! Énergie : oui ! » : à partir de Jumbo Spoons and Big Cake (2000), de Thomas Hirschhorn, avec Jean-Philippe Uzel.
« J’ai choisi de présenter Jumbo Spoons and Big Cake (2000) car je m’intéresse depuis de nombreuses années à la façon dont les artistes visuels peuvent donner à leurs œuvres une fonction critique et politique. Or, l’œuvre de Hirschhorn me semble exemplaire pour réfléchir à cette question sous un angle historique et actuel. » Jean-Philippe Uzel
« J’insiste avec ça et je suis heureux de voir que mes matériaux ne sont jamais “gonflés” par une technique, c’est toujours du fait-main. (…) Cette notion du précaire est importante ; la durée limitée, qui n’est pas simplement de l’éphémère, tout cela parle de l’urgence, de la nécessité, et pas simplement de la finalisation parfaite. L’œuvre ne doit pas répondre qu’au critère de qualité mais au critère d’énergie. (…) J’ai essayé d’expliquer que la beauté arrive par la panique, ou plutôt dans une situation d’urgence et de nécessité, dans la précipitation, lorsque les choses ne sont pas réfléchies jusqu’au bout. C’est cela qui crée de la beauté. »
Thomas Hirschhorn dans Guillaume Benoît, « Entretien – Thomas Hirschhorn », Paris : Slash, 12 octobre 2011, https://slash-paris.com/articles/interview-thomas-hirschhorn
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Le 07 octobre 2021
Le corps en jeu : à partir de Petite danse sans nom (1980), de Marie Chouinard, avec Tamar Tembeck.
« J’ai choisi cette performance notoire de Marie Chouinard car elle nous permet de traiter de la place du corps en art contemporain, d’examiner l’intégration de la performance et des arts vivants au musée, et enfin de comprendre comment certaines œuvres d’art sont constituées à partir du vécu quotidien. » Tamar Tembeck
« Marie Chouinard s’est rendue à Toronto la semaine dernière et y est devenue une cause célèbre grâce à une courte pièce dansée qui avait été interdite à Montréal. Au cours de sa prestation, la très sérieuse jeune chorégraphe a uriné sur scène ! Le public du Musée des beaux-arts de l’Ontario en a ri. Mais cette façon de faire, les censeurs de l’Université de Montréal et de la Ville de Laval ne l’avaient pas trouvée amusante du tout en la voyant en répétition l’automne dernier. Marie Chouinard avait été priée de supprimer cette pièce du spectacle. »
Linde Howe-Beck, « Marie’s Dance seen as Cause Célèbre », The Gazette, 21 mars 1980, p. 55.
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Le 14 octobre 2021
Allégories du temps présent : à partir de Borrowed Scenery (1987), de Barbara Steinman, avec Ji Yoon Han.
« La séance explorera les enjeux de l’ère dite postmoderne à partir de l’installation multimédia Borrowed Scenery de l’artiste montréalaise Barbara Steinman. Le contexte de la globalisation du monde de l’art sera notamment analysé du point de vue de la circulation intensifiée des images et des œuvres, ainsi que de celui de l’amplification des mouvements migratoires humains. » Ji Yoon Han
« À notre époque consciemment vouée à l’amnésie historique (produite avant tout par les médias de masse, mais intégrée partout), ou, plus significativement, vouée au futur, l’œuvre de Steinman se dresse comme l’assurance de pouvoir recouvrer le passé comme un cadeau pour le présent. »
Bruce Ferguson, « The Art of Memory. Barbara Steinman », Vanguard, vol. 18, no 3 (1989), p. 10.
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Le 21 octobre 2021
Pratiques médiatiques et stratégies de résistance : à partir de History shall speak for itself (2018), de Caroline Monnet, avec Caroline Nepton Hotte.
« C’est une œuvre qui questionne l’utilisation des médias dans les processus de colonisation. C’est une contre-proposition de Caroline Monnet non seulement à la représentation des femmes autochtones, mais aussi, d’un point de vue formel et technique, à l’appropriation par les médias. » Caroline Nepton Hotte
« [L]es films, les images, dans les archives, étaient toujours réalisés par des hommes blancs avec un détachement de la personne, donc elles [les femmes autochtones] sont toujours montrées de façon très passive, occupées à faire de l’art traditionnel, ce qu’ils appellent de l’artisanat. Moi, je voulais montrer des femmes qui regardent directement dans la caméra, qui sont actives, qui demandent d’être vues, qui demandent d’être écoutées. Qui sont fières, exubérantes, élégantes. »
Caroline Monnet
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Le 28 octobre 2021
De père en fils : à partir de la série des Christ Pantocrator, de Moridja Kitenge Banza avec Johanne Lamoureux
« La série des Christ Pantocrator de Moridja Kitenge Banza nous rappelle que l’image n’a pas toujours été un « droit » acquis en Occident et que ce droit fut le fruit de vifs débats théologiques. Aujourd’hui, l’image figurative est un outil privilégié d’expression individuelle et collective ; et le lien entre identité et politique (abordé ici du point de vue de l’histoire coloniale) constitue le ressort principal de nombreuses pratiques artistiques. » Johanne Lamoureux
« Christ Pantocrator est une série de peintures qui questionne ma relation avec ces objets venus d’Afrique [masques] qu’on retrouve dans plusieurs musées occidentaux. C’est une réflexion sur mon histoire personnelle. Une histoire complexe composée d’hybridité et de vide. »
Moridja Kitenge Banza
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Le 4 novembre 2021
On peut toucher, oui ou non ? L’art au musée et le contact physique : à partir de We Were in Kyoto (1997), d’Ilya et Emilia Kabakov, avec Christine Bernier.
« L’installation des Kabakov est une œuvre qui nous touche… au sens propre comme au sens figuré. » Christine Bernier
« Notre vie est composée de notre travail, de nos rêves et de nos discussions. »
Emilia Kabakov, 2017
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Le 11 novembre 2021
Du vivarium au musée : l’œuvre comme espace interdisciplinaire : à partir de Hybrid solitary semi-social 54 Tauri built by: a duet of Linyphia triangularis – three weeks, a nonet of Cyrtophora citricola – three weeks, rotated 180° (2017), de Tomás Saraceno, avec Aseman Sabet
« Ce projet de Saraceno est un point de départ idéal pour explorer les enjeux relatifs au dialogue entre l’art et la science. À travers le spectre de la collaboration et de la mise en commun des savoirs, ce survol historique propose un point de départ dans les années 1960 pour aboutir à l’usage de l’IA aujourd’hui. » Aseman Sabet
« Travailler aux limites et au-delà des frontières est transgressif par nécessité. Cela exige un détachement conscient de ce qui est familier en faveur d’un changement, d’une traversée qui repose sur l’incertitude et l’expérimentation pour permettre de jouer dans un nouveau domaine ou de trouver un avancement dans une nouvelle méthode. »
Saralyn Reece Hardy et Rebecca Blocksome, « Introduction » dans Hybrid Practices, éd. David Cateforis, Steven Duval et Shepherd Steiner (Oakland, Californie: University of California Press, 2019)
Les experts
Jean-Philippe Uzel est professeur d’histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal. Son champ d’expertise porte sur l’histoire et la théorie de l’art moderne et contemporain, et plus particulièrement sur les rapports entre art et politique.
C’est sous cet angle qu’il s’intéresse depuis près d’une vingtaine d’années à l’art contemporain autochtone d’Amérique du Nord. Il a publié de nombreux textes sur des artistes contemporains autochtones et allochtones (Thomas Hirschhorn, Teresa Margolles, Nadia Myre, Brian Jungen, Raphaëlle de Groot, …) dans des revues, des catalogues et des ouvrages collectifs, au Québec et à l’étranger. Il a été en 2012-2013 titulaire de la Chaire d’études du Québec contemporain à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3.
Tamar Tembeck est historienne de l’art, commissaire et auteure. Elle est actuellement directrice artistique du centre d’artistes autogéré OBORO à Montréal.
Ses recherches portent sur les cultures visuelles de la maladie et de la médecine, les pratiques d’art à l’hôpital, et sur les études de la performance et des médias. Titulaire d’un doctorat en histoire de l’art de l’Université McGill, elle a également un parcours professionnel en arts de la scène et en théâtre corporel. Son intérêt pour le corps – son vécu, ses représentations et les constructions de ses significations culturelles – joint ainsi la théorie à la pratique.
Ji Yoon Han est commissaire d’expositions, auteure et historienne spécialiste de l’art moderne et postmoderne.
Elle a mené plusieurs projets à la Fonderie Darling (2018-2021), dont des expositions personnelles de Barbara Steinman, Cynthia Girard-Renard et Guillaume Adjutor Provost. Elle produit régulièrement des essais sur des artistes montréalais·e·s et collabore aux revues Canadian Art, Spirale magazine, Vie des arts et Espace art actuel. Elle a récemment soutenu une thèse de doctorat sur les enjeux de la culture visuelle des années 1930, à partir d’une étude de la photographie surréaliste.
Caroline Nepton Hotte est professeure régulière au Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), étudiante au doctorat en sciences des religions et membre de la communauté ilnue de Mashteuiatsh (Québec).
Elle s’intéresse depuis plus de vingt ans aux questions autochtones, particulièrement aux enjeux concernant les femmes des Premières Nations. S’inspirant des travaux critiques féministes et des réflexions sur les épistémologies autochtones, elle documente et analyse les continuités et les transformations des expressions des identités et des cosmologies autochtones à travers les œuvres des femmes autochtones, en particulier les pratiques artistiques intégrant des technologies numériques. Elle a également travaillé pendant de nombreuses années en relations publiques au sein d’institutions des Premières Nations et comme journaliste à Radio-Canada.
Johanne Lamoureux est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en muséologie citoyenne et chercheure principale du projet de Partenariat (CRSH) Des nouveaux usages des collections en musées d’art.
Elle a été commissaire de plusieurs expositions, dont Irene F. Whittome. Bio-fictions, en 2000, et Doublures, en 2003, au MnBAQ ; et Emily Carr. Nouvelles perspectives, en 2006, au MBAC. Elle est l’auteur de nombreux articles et ouvrages, dont une anthologie critique avec Neil McWilliam et Constance Moréteau, parue en 2016 aux Presses du Réel : Histoires sociales de l’art. De 2014 à 2017, elle a dirigé le Département des études et de la recherche à l’Institut national d’histoire de l’art (Paris).
Christine Bernier est professeure agrégée au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.
Spécialisée en art contemporain et en études muséales, ses recherches actuelles portent sur le commissariat collectif et les modes de socialisation à l’ère des technologies de téléprésence. Elle est directrice, depuis 2016, du Programme de maîtrise en muséologie de la Faculté des arts et des sciences. Membre régulier du Centre de recherche interuniversitaire sur les humanités numériques (CRIHN), Christine Bernier y codirige l’Axe 2 : « Circulation – Passage au numérique et recontextualisation ». Elle dirige la collection « Art+ » aux Presses de l’Université de Montréal.
Aseman Sabet est commissaire indépendante, historienne de l’art et chargée de cours à l’Université du Québec à Montréal.
Ses recherches doctorales explorent le statut artistique des groupes de recherche interdisciplinaires. Parmi ses plus récents projets d’expositions, on compte Les nouveaux états d’être (CEUM, 2019), développé en collaboration avec le Petrie-Flom Center for Health Law Policy, Biotechnology and Bioethics de Harvard, ainsi que Par la forêt (2018) et Récits naturels (2021), qui s’inscrivent dans une série de trois invitations carte blanche du Musée d’art contemporain des Laurentides. Elle contribue régulièrement à des publications spécialisées en art contemporain et siège sur le comité de rédaction de la revue Espace art actuel.